LA POTERIE-CAP-D’ANTIFER. L’association « Bruneval Raid : Opération Biting » accueille deux familles de vétérans.
Cet été encore, Nicolas et Dominique de l’association « Bruneval Raid : Opération Biting » ont accueilli des familles de vétérans de la Seconde Guerre Mondiale pour les guider sur les pas de leurs aïeuls. Il s’agissait de descendants du Captain John G. Ross et du Private John T. Judge, deux parachutistes du raid de Bruneval. Cet officier et ce soldat sans grade ont sauté dans la nuit du 27 au 28 février 1942 dans les champs enneigés de la Poterie-Cap-d’Antifer, dans le cadre de l’opération « Biting ».
Le but de la mission était de démonter le radar allemand « Würzburg » installé en bordure de falaise sur le Cap d’Antifer afin de rapatrier ses pièces maîtresses pour les faire étudier en Angleterre et ainsi déjouer l’avancée technique allemande en radiogoniométrie pour les opérations suivantes du second conflit.
Transmette l’histoire des vétérans
« L’objectif de notre association est de faire connaître l’histoire de ces vétérans. Ross et Judge ont tous les deux été des instruments du raid de Bruneval. Leur unité commune les a emmenés sur les mêmes fronts mais ont tous les deux des histoires différentes. L’un était officier, l’autre simple soldat. L’un a fait de grandes études au barreau tandis que l’autre était placé dans un foyer pour enfants de veufs. L’un est devenu avocat et l’autre travaillait dans une mine. Il y a une vie derrière chaque parachutiste qui mérite d’être contée. C’est pour raconter ces histoires que l’association a été fondée avec l’appui des familles de vétérans. Les archives militaires ne racontent pas les histoires individuelles de chaque homme. En croisant les livrets militaires avec les archives familiales, nous obtenons des parcours qui maintiennent leur mémoire vivante… Pour avoir sauté chez nous une nuit d’hiver en 1942, ces hommes ont intégré notre patrimoine local. Pour leurs descendants, le raid de Bruneval est une histoire de famille. Notre association sert de passerelle entre les deux. « Il ne nous a rien dit sur la guerre » m’a dit Gill et Rowena, petites filles respectivement, de Ross et Judge. « Aucun d’entre eux ne parlaient de cela avec leurs petits-enfants » a répondu Nicolas. Déjà venu au 80è anniversaire, Estelle a amené avec elle trois générations de Judge. Jusqu’à maintenant, Rowena avait du mal à imaginer son tendre « grandpa » armé d’un puissant fusil mitrailleur Bren Gun pour repousser une voiture allemande fonçant vers la ferme Gosset. « Mon grand-père était un homme calme, doux et gentil, et même si j’avais une vague idée de ce qu’il avait fait pendant la guerre, tout cela a pris vie grâce à Nicolas, qui possède une connaissance encyclopédique de ce raid audacieux au cours duquel il a été parachuté avec 119 autres soldats, principalement écossais, derrière les lignes ennemies dans la France occupée en 1942. Il nous a montré le site de saut, la position qu’avait prise mon grand-père et l’endroit où il avait tiré les premiers coups de feu de la nuit » raconte Rowena qui avait déjà accompagnée son grand-père à Bruneval lors des commémorations de 1992 alors qu’elle n’était qu’une enfant. Le parachutiste Judge était en couverture lors du raid à l’extrémité sud-est de la ferme Gosset, le canon orienté vers le centre de la Poterie pour repousser les tentatives d’intrusions allemandes depuis le village. Ce grand-père est inspirant pour ces descendants. Un petit-fils est officier depuis un moment dans la marine britannique déjà et Balliol, l’arrière-petit-fils adolescent, s’interroge déjà pour s’engager.
Une visite très émouvante
« Nous avons fait une visite incroyable et très émouvante, guidée par Nicolas Bucourt, qui connait bien le sujet. De la zone d’atterrissage, du point de rendez-vous, du phare… on a suivi les traces de notre grand-père jusqu’à la plage, qu’il devait sécuriser pour permettre le départ des troupes en toute sécurité. Une journée fascinante, qui valait vraiment le déplacement » raconte Gil, la petite-fille de John G. Ross venue avec son frère Neil et leurs parents venus de Dundee en Ecosse. Le Captain avait plus de responsabilité. Il était à la fois le commandant en second de la compagnie « C » du 2ème bataillon de parachutistes, mais il commandait aussi la section lourde du groupe avec la tâche primordiale de de saisir de la plage de Bruneval pour permettre le rembarquement. Mais ce groupe a connu des largages ratés et c’est en sous-effectif que Ross se jette à l’assaut de la valleuse de Bruneval dans les premiers instants de l’opération. Un feu nourri s’échange entre la falaise d’amont et d’aval pour faire sauter le verrou de la plage de Bruneval. Seul point de sortie avec la Royal Navy, 83 ans plus tard, un coquelicot est tendrement cueilli par ses descendants où il a foulé le sol afin de le sécher dans un livre et conserver un souvenir de cette visite d’été 2025. Le coquelicot ou Poppy en anglais, est le symbole du souvenir des soldats britanniques à l’image de notre bleuet de France. L’émotion était grande pour la famille Ross. Les visites se sont poursuivies jusqu’au phare d’Antifer où l’association expose des panneaux contant l’opération Biting. L’émotion fut de nouveau au rendez-vous lorsque les familles Judge et Ross ont aperçus les photos de leurs aïeuls. L’effort de gravir les 169 marches du phare a récompensé les descendants des vétérans avec un panorama époustouflant du site. En effet, le phare ouvre ses ports à la visite de juin à novembre. « Enfin, nous avons arpenté les lieux de mémoire dédiés à l’opération Biting : la plaque des parachutistes Cornell & Embury au Tilleul, les plaques sur la mairie de la Poterie-Cap-d’Antifer et le mémorial de Bruneval où chacune des deux familles a déposé une croix en bois ornée d’un Poppy sur la plaque des noms de parachutistes.
John Judge est né le 6 mars 1918 à Edimbourg. John Ross est né le 13 avril 1921 à Dundee en Ecosse. Ce dernier a fait de grandes études pour devenir avocat dans le cabinet de son père. Au début de la Seconde Guerre Mondiale, il s’engage chez les parachutistes par soucis d’action. Passer la campagne de 1940 loin du front a été pour lui un déchirement. John Judge a, quant à lui, eu une enfance malheureuse. Il a été placé en foyer après le décès de sa mère du cancer du sein. C’est pour élargir ses horizons qu’il a menti sur son âge pour s’engager dans l’armée. Ainsi, il a connu la bataille de France en 1940 et s’est replié par le dernier navire à Dunkerque. Il a finalement opté pour les parachutistes pour une meilleure solde. Après le raid de Bruneval, Ross et Judge ont fini la guerre en captivité. Judge a été capturé en Afrique du Nord en novembre 1942 et a été emprisonné en Italie avant d’être envoyé en Allemagne. Ross a été capturé lors du débarquement en Sicile en juillet 1943 et a été mis en détention en Allemagne également. D’ici, il change d’identité avec un soldat musicien pour s’évader mais il s’est finalement servi de cette fausse identité pour faire du renseignement au sein du Stalag. En 1982, John Ross retourne à Bruneval pour assister au 40è anniversaire de l’opération Biting. John G. Ross (MBE, DSO) décède le 4 mai 1993 à Dumfries. John T. Judge décède le 15 mars 2003 à Mansfield, dans le Nottinghamshire après avoir souffert de la maladie d’Alzheimer.
En plus des expositions proposées, l’association publie tout au long de l’année, des biographies de vétérans sur leur réseau social ainsi que dans la presse spécialisées : www.facebook.com/brunevalraid/ – www.instagram.com/brunevalraid/
Le Côte d’Albâtre