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Quand le théâtre libère la parole

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ANGERVILLE-L’ORCHER. Séjour de répit artistique pour neuf jeunes aidants avec la Cie des voyageurs imaginaires, qui ont partagé leur expérience.

C’est la deuxième fois que la Cie des voyageurs imaginaires pilote des séjours de répits artistiques. Pendant cinq jours, neuf jeunes, de 11 à 17 ans, venus de Cherbourg, Saint-Lô, Le Havre, Caen ont été accueillis au domaine des Hellandes. Le dispositif Jade-Normandie est porté par l’association Cie des voyageurs imaginaires. « Depuis cinq ans, notre travail artistique s’oriente essentiellement vers la valorisation de parole et d’expérience de vie. Nous proposons du théâtre-reportage. C’est à dire : co-construire un spectacle qui parlera de la vie quotidienne et des solutions de chacun pour surmonter les difficultés inhérentes à la vie en société.

En 2017, à la demande du Groupement Hospitalier Territorial (Le Havre-Fécamp-Lillebonne) la Compagnie a valorisé l’expérience de vie des proches-aidants en animant des tables de parole de proches aidants (maladies neuro-dégénératives) et en théâtralisant leur récit. A la suite de ce spectacle, en 2019, nous avons contacté l’association nationale JADE (Jeunes Aidants Ensemble), domiciliée dans l’Essonne, qui nous a proposé de piloter la mise en œuvre pour la première fois en Normandie, de séjours de répit artistique pour jeunes aidants » explique Yvan Duruz, directeur artistique de la Cie des voyageurs imaginaires.

Des jeunes aidants « invisibles »

« C’est un temps de répit qui leur ait donné, la possibilité de s’exprimer à travers le théâtre, l’occasion de rencontrer d’autres jeunes dans la même situation, de sortir de leur isolement. Ils sont là pour s’amuser, pour qu’on les mette en valeur. On ne veut pas les enfermer dans cette situation. Ce sont des jeunes qui ont des trucs à dire » Ce séjour de répit, gratuit, encadré par un psychologue, sont l’occasion pour les jeunes de souffler, de se reposer dans un endroit agréable. Et c’est par le théâtre, ateliers animés par Yvan Duruz et Aurélia Hascoat comédienne, qu’ils libèrent la parole. « Ces jeunes ne sont pas visibles, leur problématique, ce sont les aides. La grosse préoccupation, c’est le soutien moral. Pour 60% des jeunes, c’est un soutien moral à quelqu’un de dépressif. Ils relèvent leurs parents qui n’ont pas la possibilité de s’occuper de la fratrie, et se chargent de l’aide aux devoirs, d’aller conduire ou rechercher à l’école…

L’étude des cahiers du CCAH (Comité national Coordination Action Handicap) indique que 11 millions de personnes seraient des aidants non professionnels. Mais concernant les jeunes aidants, le sujet reste méconnu des pouvoirs publics. 60% apportent un soutien moral, 51% gèrent certains aspects de la maison (courses, ménage), 43% s’occupent des aspects médicaux (aller à la pharmacie, assuré le suivi médical, préparer le pilulier… 20% s’occupent de la toilette, habillage… « La maladie, le comportement du frère, de la sœur, on se rend compte qu’il y a de plus en plus de troubles comportementaux. Cela joue au niveau de la famille, l’ensemble est fragilisé. Leur particularité, ils sont dans le concept psychologique. Ce n’est pas facile à vivre, c’est lourd. Ce séjour, c’est une semaine de paradis pour eux, le retour à la maison est difficile. Malheureusement, en France, il y a de grosses différences entre les départements, ex une seule structure (PEP14) dans le 14 qui se posait la question » souligne Yvan Duruz.

Des retentissements

Un soutien permanent qui a des conséquences sur la scolarité (33 % ont été en retard, 34 % ont été absents au moins une fois dans les trois derniers mois, sur la vie sociale (54 % estiment ne pas pouvoir profiter de leur jeunesse, 46 % évitent de faire venir leurs copains chez eux, 45 % se trouvent gênés par le regard des autres), sur la santé (fatigue, insomnies, mal de dos, au bras)

Une semaine intense

C’est une lourde charge sur leurs épaules, mais pour eux c’est naturel, ils l’ont toujours fait. « C’est la famille » comme en témoignent Diana et Evans, âgés de 15 ans. Diana vient de Cherbourg, elle s’occupe de sa petite sœur et de son petit frère. Elle a eu connaissance de ces séjours par l’assistante sociale. C’est la deuxième fois que Evans, élève au lycée Schumann au Havre, participe à un atelier répit. Il s’occupe de son frère handicapé. Lui aussi l’avait appris par l’assistance sociale et quand Yvan leur a proposé de refaire un séjour, il a dit oui aussitôt. Une aide physique au quotidien pour soulager leurs parents. C’est au détriment de leur vie personnelle, mais ils ne se voient pas agir autrement, c’est trop important d’aider, de prendre soin de sa famille.  Cette semaine leur a permis de lâcher prise, de s’exprimer tout en s’amusant, on a bien rigolé. « C’est plus facile de parler ». Le bilan pour tous ces jeunes, ce séjour leur a apporter la confiance, le plaisir de partager, de rencontrer d’autres jeunes qui partagent le même genre d’aide. Ils sont prêts à recommencer. Ces séjours sont des répits pour les jeunes, mais aussi pour les parents, contents que leur enfant soit parti en vacances.

Samedi, c’est devant un public nombreux et en présence de la ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, Mme Agnès Firmin-le Bodo, qu’ils ont présenté leur spectacle « Des vies dans une ville, les jeunes aidants » au Petit Théâtre au Havre.

Le Côte d’Albâtre

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